La lune éclaire subitement la
forêt de l’Alpharillo. Les étoiles projettent leur lumière tamisée sur les
rivières dont on entend distinctement le gracieux clapotis. Les sublimes teintes
orangées du ciel ne vont pas tarder à disparaître, laissant place au sombre
bleu de la nuit. Et sous le ciel nocturne, quelqu’un marche.
Il marche.
Ses pas percutent le sol. Il a
une démarche un peu saccadée.
Comme il n’a pas plu depuis
longtemps, la terre sèche se craquèle sous ses pieds.
Il n’a pas de but pour l’instant.
Mais c’est un détail.
Il marche.
Il regrette.
Il regrette d’avoir livré une
jeune fille à des gens mal intentionnés. Au fond, il ne sait même pas pourquoi
il a obéi à ces monstres. Ni pourquoi il leur a donné les coordonnées précises
de son emplacement géographique.
Parce qu’il a observé en silence
ce qu’ils ont fait à l’adolescente. Ils ont appelé ça « effaçage des
souvenirs ». Et quand il a vu le résultat, ça lui a fait l’effet d’un
couteau planté dans la poitrine. Elle hurlait. Titubait. Et puis elle est
partie.
Elle. Belen. Une jeune fille
pour qui il semblait beaucoup compter. Jusqu’à ce jour.
Si jamais il venait à revoir
Belen, il ne pourrait plus la regarder en face. Il serait prêt à tout endurer.
Quand bien même elle décidait de ne plus lui adresser la parole ou de le
renier. C’est ce qu’il mérite.
Au fond, il ne mérite que ça.
Rien de plus.
Il marche.
Evidemment, il a eu envie de lui
venir en aide. Surtout après ce que lui ont lancé les hommes avant de s’en
aller dans un nuage de poussière.
« Ba, vas-t-en, sale robot,
on n’a plus besoin de toi ! Hahaha, regarde sa tête de paumé ! »
avaient-ils ricané.
Maintenant, il se souvient
pourquoi il leur a obéi. Ils lui ont promis de le rendre humain. Il se sent
tellement bête de les avoir cru. Croire des monstres qui martyrisent une fille.
Malheureusement, il n’a pas pu
la secourir.
Pour ne pas culpabiliser, il se
dit que c’est parce qu’elle est partie trop vite. Mais ce n’est pas vrai. C’est
parce qu’il se sentait coupable. Et il se sent toujours aussi coupable.
Un coupable.
Un lâche.
Un robot.
Il marche.
Il pourrait se diriger vers
cette imposante bâtisse de pierre grisâtre. Le Collège.
Un endroit qu’il a fréquenté
pendant longtemps.
Mais ce n’est pas un endroit
pour lui.
Il le sait maintenant. Il s’en
rappelle distinctement.
Il a compris que si on le
regardait de travers, ce n’était pas parce qu’on était jaloux de lui.
Il a compris que si on
chuchotait sur lui, ce n’était pas pour le complimenter.
Il a compris que si on s’écartait
sur son passage, ce n’était pas parce qu’il était respecté.
Il marche.
Il se réfugie dans le seul
endroit qu’il aime, qui l’accepte comme il est, qui lui réchauffe le cœur. Un
endroit que lui seul connaît.
Ses rêves.
Il rêve de ce qu’aurait pu être
sa vie s’il avait pu exprimer des émotions, comme tout le monde, s’il avait été
considéré comme une personne normale.
Il rêve de lui s’il avait sauvé Belen.
Il rêve d’une histoire où ce
n’est plus lui le coupable, une qui se termine bien.
Il rêve d’un monde meilleur.
Il rêve tout simplement.
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